L’IFI, un ISF immobilier qui ne ressemble pas à l’ISF

L’IFI, un ISF immobilier qui ne ressemble pas à l’ISF

La suppression de l’ISF est au cœur des débats politiques depuis des dizaines d’années. La loi de finances pour 2018 a enfin mis un terme à l’existence de cet impôt bien souvent perçu comme injuste. Il aurait été jugé par un grand nombre comme politiquement incorrect de supprimer purement et simplement l’ISF, le gouvernement lui a donc substitué l’IFI (l’impôt sur la fortune immobilière). « Exit » l’ISF, bienvenue à l’IFI.

D’une manière générale, l’IFI a été présenté comme l’application pure et simple des règles de l’ISF restreintes aux actifs immobiliers. La réalité est bien plus complexe et l’IFI ne saurait se résumer à une simple transposition de l’ISF aux biens immobiliers.

Un bouleversement pour les redevables…

Alors qu’il est communément admis que le redevable de l’ISF est, sauf cas particuliers, l’usufruitier sur la valeur de la pleine propriété d’un bien, l’IFI pose une nouvelle exception à cette règle. Lorsque le démembrement de propriété résulte de l’option offerte par la loi au conjoint survivant de recueillir la pleine propriété du patrimoine de son défunt époux, l’usufruitier sera redevable de l’IFI uniquement sur la valeur de son usufruit. Les autres héritiers, qui jusqu’alors n’étaient pas soumis à l’ISF sur la valeur de la nue-propriété, devront désormais intégrer ce patrimoine à leur base taxable.

Une complexification des méthodes de calcul selon les modes de détention…

• Une formule complexe de valorisation de l’actif :

En cas de détention d’actifs immobiliers au travers d’une structure ou d’une chaîne de participations, les règles relatives à l’IFI prévoient une méthodologie de valorisation particulière qui n’existait pas jusqu’alors. Il est rappelé que, sous réserve de certaines exceptions, notamment de constituer un bien affecté à l’exploitation d’une entreprise industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, les actifs immobiliers inclus dans des sociétés opérationnelles dont le contribuable détient une participation d’au moins 10% entrent dans le champ d’application de l’IFI. Dans l’hypothèse d’une détention indirecte d’actifs taxables, les contribuables devront donc procéder à une isolation de la valeur du bien immobilier puisque les titres de sociétés ne sont imposables que pour la seule fraction de leur valeur représentative de ces biens détenus directement ou indirectement. La valorisation des titres devra s’opérer en trois temps :

– Dans un premier temps, il sera nécessaire de déterminer le ratio immobilier qui s’obtient en rapportant la valeur vénale de l’immobilier détenu directement ou indirectement par la société à la valeur vénale de l’ensemble des actifs de la société.

– Dans un second temps, il conviendra d’effectuer une valorisation de la société dont les titres sont détenus.

– Enfin, le contribuable devra appliquer à cette valorisation le ratio immobilier afin de déterminer la valeur de la société taxable, bien entendu, en fonction de sa participation. En cas de chaîne de participations, il faut rechercher le ratio immobilier applicable à chaque niveau de la chaîne en commençant par le niveau le plus bas.

Il pourrait être opportun de réaliser ces valorisations complexes avec l’aide d’experts.

• Une redéfinition du passif :

La loi fixe désormais une liste des dettes déductibles (article 974 du CGI). Sont visées les dettes afférentes à des dépenses d’acquisition des biens immobiliers imposables, des dépenses de réparation et d’entretien de biens imposables, des dépenses d’amélioration, de construction, de reconstruction et d’agrandissement de biens imposables, des impositions dues à raison des propriétés immobilières et des dépenses d’acquisition des parts ou actions au prorata de la valeur des actifs immobiliers imposables.

Une clause anti-abus a été instaurée afin d’exclure les prêts conclus directement ou indirectement auprès du redevable ou d’un membre du foyer fiscal ou d’une société qu’il détient seul ou avec son groupe familial.

Un retraitement des prêts « in fine » devra être opéré par les contribuables puisqu’ils ne seront plus que partiellement déductibles. Des annuités théoriques devront être déterminées en divisant le montant de l’emprunt par le nombre d’années d’emprunt. Seules les annuités relatives aux années restant à courir pourront encore être déduites. Un traitement particulier est également prévu pour les prêts dépourvus de terme pour le remboursement du capital.

Enfin, l’IFI instaure un plafond des dettes admises en déduction lorsque le patrimoine taxable du contribuable excède 5 000 000€. A mon sens, ce plafond ne devrait s’appliquer qu’aux dettes contractées par le redevable et non par la société dont il détiendrait des titres. Toutefois, cette analyse devra être confirmée par l’administration fiscale dans ses commentaires à paraître prochainement sur le nouveau dispositif.

L’IFI apparaît bien comme un nouvel impôt avec des règles qui lui sont propres et ne saurait valablement se résumer à une restriction de l’ISF à la matière immobilière. Cette note juridique et fiscale fait état des principales différences existantes entre l’ISF et l’IFI.
Le contribuable concerné par cet impôt demeure celui dont le patrimoine net excède 1 300 000€ au 1er janvier 2018. La complexité des règles et le renforcement des contrôles par l’administration nécessitent que les contribuables anticipent dès maintenant la préparation de leur future déclaration.

A cette occasion, une réflexion sur la réorganisation du patrimoine privé/professionnel indépendamment des modalités de détention (indirecte ou indirecte) serait à envisager.
Selon les volontés de chacun, la transmission à titre gratuit ou onéreux (donation, donation-partage, cession, apport…) du patrimoine constitue un paramètre essentiel à prendre en compte.

Je reste à votre disposition pour toute question sur ce point.

En tout état de cause, le contenu de la présente ne saurait remplacer les recommandations qui pourraient être faites en fonction de la situation particulière de chaque cas. Toutes les informations fournies ne peuvent pas être considérées comme caractérisant un conseil juridique et/ou fiscal.