Mesure phare du quinquennat de François HOLLANDE, la réforme du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en France fait l’objet de discussions et de réflexions depuis de nombreuses années. La mise en place d’un prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu des personnes physiques a été adoptée par la loi de finances de décembre 2017. Son application effective est prévue au 1er janvier 2018. Alors que cette modalité de prélèvement de l’impôt est familière pour nombre de nos concitoyens européens, sa mise en œuvre pratique demeure encore obscure pour les contribuables français. En l’attente de l’adoption des décrets d’application, voici déjà quelques éclaircissements sur la réforme amorcée.
Présentation du nouveau régime applicable à l’imposition des revenus 2018
Détermination du champ d’application du dispositif
Il entreraient dans le champ d’application du prélèvement les traitements et salaires, pensions, rentres viagères, BNC, BIC, BA et revenus fonciers.
En seraient expressément exclus : les stock-options, les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, les AGA, les « carried interest », les revenus des auto-entrepreneurs. Il en serait de même pour certains des :
- Revenus de source française perçus par les non
- Revenus de source étrangère perçus par des résidents français
Seraient hors du champ d’application du prélèvement les revenus qualifiés d’exceptionnels tels que les revenus de capitaux mobiliers, les plus-values mobilières et immobilières.
- Détermination de l’assiette du prélèvement : le prélèvement applicable aux traitements et salaires et assimilés serait assis sur le montant brut après déduction des cotisations sociales et la part de la CSG déductible. L’assiette correspondrait donc à l’actuel net imposable.
Concernant les BIC, BNC, BA et revenus fonciers, le prélèvement se présenterait sous la forme du versement d’un acompte qui serait, en principe, assis sur le bénéfice de l’année N-2 puis sur celui de N-1 une fois connu.
Détermination du taux du prélèvement
Il serait déterminé par l’administration fiscale et varierait en cours d’année afin de s’ajuster au plus près de la réalité :
- Du 1/01 au 31/08 il serait établi par référence aux revenus de l’année N-2
- Puis du 1/09 au 31/12 il serait établi par référence aux revenus l’année N-1
Les contribuables seraient donc toujours astreints au dépôt d’une déclaration annuelle. L’impôt ferait ainsi l’objet d’un prélèvement tout au long de l’année N ; en N+1, certainement aux alentours des mois de mai ou juin, il serait procédé au dépôt de la déclaration des revenus N ; plus tard au cours de l’année N+1, les contribuables acquitteraient le solde de l’impôt qui n’aurait pas été couvert par les prélèvements ou bénéficieraient du remboursement du trop-perçu.
Le taux définit ne prendrait pas en compte les crédits et réductions d’impôts dont pourrait bénéficier le contribuable ce qui impactera nécessairement sa trésorerie. Toutefois, afin de ne pas pénaliser l’emploi, il existerait une possibilité pour le contribuable de percevoir le versement d’un acompte représentant 30% des sommes engagées l’année précédente au titre des frais de services à la personne et garde des jeunes enfants.
Par ailleurs, le taux pourrait, sous certaines conditions, faire l’objet de modulation, notamment, en cas de changement de situation du foyer ou encore de variation des revenus … Il serait également offert aux contribuables la possibilité d’opter pour un taux de prélèvement par défaut (primo-déclarant, souci de confidentialité vis à vis de l’employeur…). Il convient de noter que la loi prévoit d’importantes sanctions en cas de minoration du prélèvement supérieure à 10%.
Le recouvrement du prélèvement :
- Concernant les traitements et salaires et revenus assimilés, le débiteur des revenus devrait reverser au trésor dans les délais prévus pour le paiement des cotisations sociales le prélèvement dont le taux lui sera communiqué. Le prélèvement deviendrait une mention obligatoire du bulletin de salaire.
- Concernant les BIC, BNC, BA et revenus fonciers, le prélèvement serait versé en principe le 15 de chaque mois avec une possibilité d’opter pour un versement trimestriel. Il devrait prendre la forme d’un prélèvement automatique opéré à l’initiative de l’administration fiscale.
Le solde serait payable à compter de septembre N+1 dans les 30 jours suivant la mise en recouvrement.
Présentation du régime dérogatoire applicable en 2017 : qu’est-ce que « l’année blanche »
Alors que certains évoquent l’exonération d’imposition des revenus de l’année 2017, d’autres s’en réfèrent au terme d’année blanche. Quel que soit la terminologie retenue, ce qu’il est essentiel de retenir c’est que les revenus non exceptionnels entrant dans le champ d’application du prélèvement ouvriraient droit à un crédit d’impôt désigné « Crédit d’Impôt de Modernisation du Recouvrement » (CIMR).
Ainsi, schématiquement en 2018, il serait procédé à la déclaration des revenus perçus en 2017. L’ensemble des revenus devrait être mentionné sur la déclaration. Toutefois, les revenus concernés par le prélèvement ouvriraient droit au crédit d’impôt calculé selon la formule suivante :
CIMR = impôt sur le revenu x (revenus soumis au prélèvement/ revenu net imposable) – les crédits d’impôt étrangers imputables sur l’impôt sur le revenu.
L’intégration des revenus relevant du champ d’application du prélèvement à la source à la déclaration aurait pour objectif de permettre d’en tenir compte pour le calcul de la progressivité de l’impôt sur le revenu afin d’établir l’impôt sur les revenus non exceptionnels.
Il est prévu que le CIMR serait calculé par l’administration fiscale et figurerait sur l’avis d’impôt adressé au contribuable au cours de l’année 2018.
Afin que les contribuables ne puissent bénéficier de l’effet d’aubaine qui pourrait résulter de l’année blanche, le législateur a prévu des mécanismes de « sauvegarde » pour assurer l’année de transition. Ces règles diffèrent en fonction de chaque catégorie de revenus et des possibilités offertes par chacun d’optimisation. Néanmoins, elles ont pour objectif commun de limiter les effets du CIMR.
Concernant les revenus fonciers, le principal risque étant le décalage sur 2017 de la perception de revenus et sur 2018 de la réalisation des travaux, il serait, d’une part, prévu que les revenus exceptionnels seraient exclus du CIMR et, d’autre part, créé une distinction entre les charges pilotables et celles qui ne le sont pas. Ainsi, alors que les charges dites non pilotables (par exemple : prime d’assurance, provision pour certaines dépenses courantes prévues dans le budget de la copropriété, les intérêts des dettes déductibles…) seraient prises en compte pour le calcul du crédit d’impôt, celles pilotables seraient quant à elles partiellement neutralisées en 2018.
Concernant les traitements et salaires, le crédit d’impôt permettrait d’annuler le paiement de l’impôt sur les revenus non exceptionnels.
Seraient expressément exclus du crédit d’impôt certains revenus limitativement listés correspondant notamment aux indemnités de rupture de contrat de travail ou de cessation d’un mandat social etc… Il en serait de même des gratifications surérogatoires, c’est-à-dire celles accordées sans lien avec le contrat de travail ou qui vont au-delà de ce qu’ils prévoient.
En l’absence de critères précis, cette notion soulèvera inéluctablement des difficultés d’application. Il serait donc prévu la mise en place d’une procédure afin d’obtenir une prise de position de l’administration sur le traitement fiscal à retenir. L’absence de réponse dans les trois mois de la demande vaudrait acceptation de celle-ci.
Concernant les BNC, BIC et BA, les revenus exceptionnels n’ouvrant pas droit à crédit d’impôt seraient appréciés au moyen d’une comparaison pluriannuelle.
- Le bénéfice accusé en 2017 ouvrirait entièrement droit à crédit d’impôt s’il est inférieur ou égal au plus élevé des bénéfices accusés au titre des années 2014, 2015 ou 2016.
- Si le bénéfice 2017 est supérieur au plus élevé des bénéfices des trois dernières années, le crédit d’impôt serait plafonné au plus élevés de ces bénéfices.
Toutefois, si le CIMR a été plafonné le contribuable pourrait solliciter un crédit d’impôt supplémentaire si :
- Son résultat 2018 est supérieur à celui 2017. Dans ce cas le crédit d’impôt est égal à la différence entre le CIMR qui aurait été versé si l’intégralité du bénéfice 2017 avait été pris en compte et celui effectivement versé.
- Son résultat 2018 est inférieur à celui 2017 mais supérieur au plus élevé des bénéfices 2014 à 2016. Dans ce cas le crédit complémentaire est égal à la différence entre le crédit d’impôt liquidé sur la base du bénéfice 2018 et celui effectivement versé.
En tout état de cause si le bénéfice 2017 ne correspond qu’à un surcroit d’activité régulière, le contribuable pourra solliciter par la présentation d’une réclamation contentieuse l’annulation de l’impôt restant à sa charge.
Concernant les primo-déclarants, le crédit d’impôt produit son plein effet en 2017. Toutefois, si l’addition du bénéfice 2018 et des autres revenus d’activité de l’année est inférieure aux mêmes termes de comparaison de l’année 2017, le crédit d’impôt pourrait, dans une certaine mesure, être remis en cause à hauteur de la différence constatée.
Le contenu de la présente ne saurait remplacer les recommandations qui pourraient être faites en fonction de la situation particulière de chaque cas. Toutes les informations fournies ne peuvent pas être considérées comme caractérisant un conseil juridique et/ou fiscal.
Article écrit par Maître Elodie Pernot